Tchad : Mise au point de la conférence des évêques du Tchad suite aux évènements du 15 février 2022 à N’Djamena

Les événements du mercredi 9 février 2022 (tueries de plus de 11 personnes) à Sandana dans le Diocèse de Sarh ont des répercussions sur la vie de notre Eglise Famille de Dieu au Tchad. En effet, ce jour, un homme « mbororo » d’un férick non loin de Sandana a connu un accident de circulation et en est mort.
Ses parents accusent les habitants de Sandana de l’avoir assassiné. Organisés en groupes armés en fusils de guerres, les mbororo ont encerclé le village de Sandana. Deux émissaires armés à bord d’une moto ont créé la panique dans le village en tirant leurs fusils en l’air. Désemparés, les habitants ont pris fuite. Embusqués aux alentours des cases et dans les arbres, les assaillants ont tiré sur les fuyards.
Onze (11) personnes sont mortes et plusieurs autres blessées. La nouvelle a indigné le Tchad. A Sarh, plusieurs groupes se sont organisés tous azimuts. Un deuil provincial de trois jours a été déclaré par le Conseil des Sages du Grand Moyen-Chari (Moyen-Chari et Mandoul) à compter du lundi 14 au mercredi 16.
Plusieurs déclarations ont été faites par de nombreuses Associations de Défenses des Droits Humains et des organisations de la société civile. Les ressortissants de ces deux Provinces et ceux des autres localités ont décidé d’observer ces journées de deuil en soutien et protestation contre les injustices et le non-respect de la dignité humaine. Car cela est une récidive à Sandana qui a enterré en 2019 une dizaine de ses habitants.
Il faut rappeler que cet événement est une goutte qui vient déborder le vase : en effet, le 25 janvier dernier, un groupe de militaires avait tiré à balles réelles sur un groupe de manifestants pacifiques contre l’intronisation et l’installation d’un chef de canton arabe à Abéché, chef-lieu de la Province du Ouaddaï. Le lendemain les militaires sont encore partis au cimetière tirer sur ceux qui enterraient leurs morts assassinés la veille. Plus d’une dizaine de personnes ont trouvé la mort au total.
L’événement de ce jour En soutien à l’action des Provinces du Moyen-Chari et du Mandoul, une organisation à N’Djamena a programmé « trois jours de tenue noire » avec une journée de recueillement, mardi 15 février 2022.
Selon les organisateurs, la demande a été agréée par les autorités compétentes. Mais malheureusement, la police a empêché la marche de soutien et de recueillement en dispersant les manifestants à coups de gaz lacrymogènes. Son Excellence Mgr Edmond Djitangar, Président de la CET et Archevêque Métropolitain de N’Djamena, avait bien voulu exprimer sa proximité et son soutien à tous ceux dont la dignité ne cesse d’être bafouée.
Les explications de l’archevêque
Partis du Siège de la CET vers 8h15 pour le lieu de recueillement (Stade municipal de Paris-Congo), nous avons retrouvé le premier groupe en direction du site. Nous l’avons rejoint.
Aussitôt, trois Toyota bourrés de policiers avancent en notre direction. Les policiers ont largué des gaz lacrymogènes en quantité nous empêchant d’avancer vers le site. Après avoir réalisé que la foule avance et que c’est au cœur du quartier, les trois camions sont partis. Nous avons marché vers le site de recueillement, qui était déjà quadrillé par des policiers.
Nous avançons toujours avec le groupe. Arrive alors un contingent de 8 ou 9 véhiculés remplis de policiers armés, stationnés à quelques dizaines de mètres en face de nous, tirant à bout portant des gaz lacrymogènes en notre direction.
On avance toujours, nous nous tenons solidement par les mains. Ils ont dispersé la grande foule qui était derrière nous. Mais un petit nombre a décidé de continuer à marcher avec nous jusqu’au site improvisé de recueillement : le rond-point aigle, à quelques centaines de mètres du site de recueillement retenu. Nous sommes arrivés près d’eux mais ils continuent à tirer. Les étuis de gaz nous tombaient un peu partout.
Finalement, l’Archevêque en a pris deux : un au genou droit et un autre au ventre. De mon côté, je suis atteint à l’abdomen droit. Malgré les douleurs, nous avons avancé jusqu’au rond-point aigle. Là nous avons décidé sous le conseil de Me Hissein Ngaro de nous arrêter devant les policiers et autres curieux (gens de passage, badauds…) pour nous recueillir sous des regards pleins de méchanceté et de violences des policiers. A la fin de notre temps imparti pour le recueillement, nous sommes retournés vers la voiture. C’est au retour que pleuvent tirs, cette fois-ci certains à balles réelles.
Deux des jeunes qui nous ont couverts sont blessés : l’un à l’avant-bras et l’autre au pied. Nous les avons amenés à l’hôpital. Nous devons apprendre plus tard qu’une balle lui a fracturé l’avant-bras. Dans un autre groupe, une jeune fille, étudiante a été atteinte à l’œil, qu’elle a fini par perdre. Retournés au Siège, nous avons fait un communiqué pour dire à l’opinion nationale que nous avons été gazés mais en bonne santé. Car les rumeurs courent dans les réseaux sociaux que l’Archevêque a été grièvement blessé.
Plusieurs personnalités et groupes sont passés les uns après les autres pour s’enquérir de notre état de santé.
Diob-nay Mbraba’s